
Franz Schubert : janvier 1897 – novembre 1828
Lors de ce concert, vous entendrez deux des quatre trios que Franz Schubert a composés pour violon, violoncelle et piano : l’opus 100, D929 et l’Adagio opus 148, D897 en mi bémol majeur.
Au début du XIXème siècle, Vienne se révèle un lieu de prédilection de la musique de chambre. Le compositeur y évolue dans les milieux de la bourgeoisie et de la vie étudiante bohème. Son cercle familial et amical pratique la musique de chambre. Depuis l’enfance, Franz tient le violon ou l’alto dans les séances familiales, et conserve ce rôle au Stadtkonvikt où il fait ses études. Puis, en tant que compositeur, il prend l’habitude d’accompagner ses frères et sœurs ou ses amis au piano. Sa musique de chambre se répartit entre deux périodes : la première, de 1812 à 1816, comprend notamment onze quatuors ; la seconde, de 1819 à 1828, offre un éventail d’ouvrages requérant des formations instrumentales diverses.
En 1827, Franz Schubert compose deux grands trios pour violon, violoncelle et piano. Ce sont deux chefs-d’œuvre de la maturité du compositeur, tout comme le sont les trois dernières Sonates pour piano, le Quintette en do majeur, la Symphonie en do majeur et les Lieder du Voyage d’hiver ou du Chant du cygne. « Comme toutes ces œuvres, les trios témoignent de cette soudaine extension du temps musical chez Schubert, de cette infinie amplitude de la forme, acquise in extremis, qui fait de chaque mouvement quelque chose comme une traversée des apparences. Et la forme sonate, scrupuleusement respectée, n’y apparaît pas comme chez Beethoven un combat et une contrainte, encore moins une limite. La structure, cette fois aimée et épanouie, devient l’espace du chant. Schubert songe davantage au fil de la mélodie, la reprend, la répète même, avec soudain telle modulation magique, qui touche autant que l’inflexion douloureuse d’une voix aimée. » (Christophe Ghristi, dans « Diapason » , janvier 1997)
Le Trio n°2 en mi bémol majeur D929, opus 100 n’a pas cessé d’être célèbre. Dès sa création le 26 décembre 1827, Schubert note qu’il « plut beaucoup à tout le monde ». Il sera utilisé dans de nombreux films, dont le fameux Barry Lindon de Stanley Kubrick. Ce trio nous fait traverser une multitude de sentiments, entre l’esprit populaire viennois et les plaintes déchirantes, guidés par de longues lignes mélodiques généreuses et fragiles. Le premier mouvement, dans lequel Robert Schumann voyait une « profonde révolte en même temps qu’une ardente nostalgie », donne le ton de l’ensemble. Pour sa composition du deuxième mouvement, Franz Schubert se serait inspiré du lied suédois d’Isaac Berg Vois, le soleil décline derrière les hauts sommets. Après un scherzo en canon, Schubert compose un long final joyeux avec des rappels du thème tragique de l’andante du deuxième mouvement. L’unité cyclique des quatre mouvements est remarquable, tous d’amples proportions, avec des rappels thématiques extrêmement précis et précurseurs de futures compositions du XIXème siècle. Schubert compose avec magnificence sur toute l’étendue du clavier, ce qui introduit un élément de fluidité et illumine les élans mélodiques chaleureux des deux instruments à cordes. « Avec la mélodie envoûtante de son deuxième mouvement, reprise dans le fabuleux final […], le trio en mi bémol est l’œuvre la plus classique de facture, la plus riche, la plus solaire que Schubert ait conçue dans ses années ultimes, et la seule peut-être qui ne porte pas aussi le stigmate de la fatalité. » (Patrick Szersnovicz, « Le Monde de la musique » (230), mars 1999)
Deux autres pièces pour trio à cordes avec piano furent composées par Franz Schubert dont l’Adagio en mi bémol majeur D897, opus 148 qu’on ne peut dater précisément. Il fut écrit dans les toutes dernières années de vie du musicien. Connu sous le titre apocryphe de Notturno, il s’agit en fait d’un vaste mouvement de trio construit comme une fantaisie. Son lyrisme et son éloquence ne laissent pas indifférent. Son écriture est presque celle d’un duo, avec les deux instruments à cordes marchant le plus souvent de pair face au piano.