
Qu’est-ce qu’être au cœur de la musique française pour clarinette et piano ? Laissons la parole à Claude Debussy sur ce sujet : « J’ai laissé parler ma nature et mon tempérament ; j’ai surtout cherché à être français. Les Français oublient trop facilement les qualités de clarté et d’élégance qui leur sont propres, pour se laisser influencer par les longueurs et la « lourdesse » germaniques. Et pourtant, nous avions une tradition française faite de tendresse délicate et charmante. À la profondeur allemande on peut regretter tout de même que la musique française ait suivi pendant trop longtemps des chemins qui l’éloignaient perfidement de cette clarté dans l’expression : ce précis, ce ramassé dans la forme, qualités particulières et significatives du génie français ! Aujourd’hui, nous n’osons presque plus avoir de l’esprit, craignant de manquer de grandeur. » Les œuvres de ce récital vous transporteront dans cet univers musical français du tournant du XXème siècle. Serez-vous d’accord avec Claude Debussy ?
Gabriel Pierné a composé sa Canzonetta opus 19 entre 1887 et 1889 à l’âge de 25 ans. Elle est dédiée à Charles Turban et est sa seule pièce pour clarinette et piano. Il a réadapté cette valse gracieuse plusieurs fois pour d’autres instruments : la flûte, le violon ou encore le saxophone.
Francis Poulenc aimait tous les instruments à vent, mais il disait que la clarinette était son instrument chéri ! Sa Sonate, composée en 1962 est l’une des deux dernières œuvres du compositeur. Dédiée à la mémoire de son ami Arthur Honegger, condisciple du Groupe des Six, elle est créée par le clarinettiste Benny Goodman et le pianiste Leonard Bernstein à New York, le 10 avril 1963 deux mois après la mort du compositeur. D’une forme libre, sans développement, cette sonate propose une ligne musicale claire et simple. Elle débute par un Allegro tristamente sereinement poétique et mélancolique. La Romanza suit très douce et mélancolique et l’Allegro con fuoco final est tour à tour percutant, mélodieux et animé, exprimant la fougue juvénile des jeunes années du compositeur.
À partir des années 1870, il est d’usage au conservatoire de musique de Paris de confier à des compositeurs reconnus l’écriture des épreuves d’examen de fin d’année. Ainsi, le Solo de concours d’ André Messager fut composé en 1899 pour le concours de la classe de clarinette. Son esprit joyeuxmontre que le compositeur, depuis sa nomination en tant que directeur musical de l’Opéra-Comique en 1897, a retrouvé la joie de vivre.
Claude Debussy fut appelé à écrire deux pièces pour la classe de clarinette en vue des concours de fin d’année 1910. Ce fut l’origine de la Première Rhapsodie pour clarinette, pièce tour à tour séduisante, capricieuse, rêveuse ou poétique. Pierre Boulez s’étonnait encore de trouver dans un morceau de concours tant de grâce et de poésie. Mais il ne faut pas s’y tromper, elle réclame au-delà d’une apparente simplicité technique une parfaite maîtrise de l’instrument.
La Sonate pour clarinette et piano en mi bémol majeur, op. 167 de Camille Saint-Saëns est dédiée à Auguste Perrier, professeur de clarinette au Conservatoire de Paris. C’est un chef-d’œuvre de la vieillesse du compositeur : il écrit cette sonate en mai et juin de l’année 1921. Il a 85 ans. Il formait alors le projet ambitieux d’écrire une œuvre pour chaque instrument de la famille des vents, tout comme l’ultime projet de Claude Debussy qui était d’écrire 6 Sonates pour divers instruments. Avec la Sonate pour hautbois et celle pour basson, le résultat s’approche du néo-classicisme parisien de l’entre-deux-guerres.
Gabriel Fauré a composé quelques courtes pièces isolées, simples feuillets dans sa première période tel que l’Élégie en ut mineur opus 24, à la fois lamento et marche funèbre. Elle fut d’abord composée pour violoncelle et était destinée à être le mouvement central d’une sonate. La partition originale fut créée en 1883 par son dédicataire, le violoncelliste Jules Loeb. Son succès fut immédiat. Elle fut retranscrit pour orchestre 12 ans plus tard, puis reprise par de nombreux autres instruments, dont la clarinette.
Durée environ 60′